IA & prévention des risques : 7 usages concrets pour les conseillers en prévention

La prévention des risques évolue vite : exigences réglementaires accrues, pression sur les délais, multiplication des chantiers et des sous-traitants… Dans ce contexte, l’intelligence artificielle (IA) n’est pas un gadget. Bien utilisée, elle aide le conseiller en prévention à détecter plus tôt, prioriser mieux et objectiver ses décisions. Voici sept usages concrets, faciles à imaginer sur le terrain.

1) Analyse des incidents & quasi-accidents

L’exploitation des incidents et near-miss est limitée, car les comptes rendus sont souvent non structurés (Word, e-mails, champs libres) et éparpillés entre sites ; cette dispersion fait perdre des motifs récurrents et retarde l’identification des causes.
Une bonne solution consiste à mettre en place une analyse automatique des récits (traitement du langage) qui :
- Structure les informations clés (type d’événement, activité, équipement, zone, gravité),
- Catégorise et étiquette les événements selon une taxonomie risques,
- Fait émerger les tendances (récurrences, facteurs aggravants, pics temporels).

Bénéfices : Gain de temps d’analyse, meilleure détection des motifs, priorisation plus objective des actions, partage plus clair en comité HSE.

À mettre en place:
- Définir un gabarit minimal de saisie (zone, activité, gravité, description).
- Normaliser 6–10 étiquettes risques (chute, manutention, chimique, circulation, ergonomie…).
- Déployer un tableau de bord mensuel (top causes, zones chaudes, tendances 3 mois).

2) Prioriser les actions correctives avec des modèles prédictifs

Vous avez plus d’actions que de ressources ; les plans HSE traitent parfois le visible plutôt que le plus risqué.
Un modèle simple (score 0–100) peut estimer la probabilité d’incident par zone/activité en combinant : historique (incidents, near-miss), exposition (heures, effectifs, sous-traitance), écarts relevés (audits, observations), contexte (température, travaux). Le score classe automatiquement les actions (ex. “changer le flux piétons” > “ajouter un panneau”).
Bénéfices : une priorisation objective pour les comités HSE (top 10 des actions au meilleur ratio impact / effort), un suivi de la réduction de risque estimée.

À mettre en place :
- Centraliser 12–24 mois d’historique (incidents/near-miss), heures d’expo, écarts audits.
- Définir 5–7 facteurs (gravité, fréquence, exposition, criticité équipement, sous-traitance, etc.) et leurs pondérations.
- Générer un score mensuel par zone/activité ; publier un top 10 d’actions et vérifier l’évolution (score ↓, incidents ↓) chaque mois.
- Gouvernance : documenter les règles de scoring, ajuster les poids 1×/trimestre.

3) Observations terrain et tournées assistées

Les tournées sécurité mobilisent beaucoup de temps car les checklists sont génériques et la saisie lourde ; des écarts récurrents passent inaperçus faute de preuves structurées (photos annotées, localisation, horodatage).
Dans cette situation, il est possible de mettre en place des checklists adaptatives et des observations assistées qui :
- Adaptent les questions selon le contexte (activité/zone/réponse précédente),
- Capturent des photos annotées et horodatées pour objectiver les constats,
- Génèrent automatiquement des fiches d’écart et des actions assignées.

Bénéfices: moins de saisie, constats de meilleure qualité, traçabilité renforcée (qui/quoi/quand/où), passage plus rapide de l’observation à l’action.

À mettre en place :
- Définir 3–4 parcours de checklist (atelier, chantier, logistique, bureau technique).
- Lister les preuves attendues (photo garde-corps, zone encombrée, affichage…).
- Connecter aux actions correctives (responsable, échéance, statut).

4) Accueils sécurité & formations adaptatives

Les accueils sécurité (nouveaux, intérimaires, sous-traitants) et recyclages sont souvent génériques ; la rétention d'informations est faible et ils mobilisent trop de temps terrain.
Les modules de micro-learning adaptatifs (5–7 min) qui personnalisent le contenu selon le poste, le site, l’historique d’incidents et les réponses de l’apprenant (quiz intelligents, scénarios vidéo courts, rappels espacés) sont des solutions très pertinentes.
Bénéfice : meilleure rétention et traçabilité automatique (attestations), contenus contextualisés par activité/risque (manutention, chimique, circulation), moins d’immobilisation du terrain : le présentiel se concentre sur le critique.

À mettre en place :
- Cartographier 6–8 risques clés par famille de poste
- Créer des capsules dédiées ; démarrer avec 1 parcours “nouvel arrivant” et 1 parcours “sous-traitant chantier” ; intégrer au processus badge/accès (pas d’accès sans validation + quiz) 
- Suivre taux de complétion, score moyen et écarts terrain avant/après.

5) Ergonomie : objectiver les TMS et agir vite

Beaucoup de ressentis, peu de mesures ; les investissements ergo se discutent sans base partagée.

Aujourd'hui, des capteurs légers (IMU)/ analyses vidéo peuvent détecter postures/angles (dos, épaules, poignets), durées et fréquences d’exposition et ainsi générer des scores RULA/REBA assistés. L’outil repère les séquences à risque (ex. flexion > 60° > 10 s, répétitions > 15/min).
Bénéfice : un avant/après chiffré pour prioriser : réglage hauteur plan, aides à la manutention, rotation postes. Décisions plus rapides, acceptation terrain facilitée par la preuve.

À mettre en place :
- Choisir 2 postes pilotes (manutention et poste statique).
Mesurer 2 semaines avant, tester - un aménagement, remesurer 2 semaines après.
- Indicateurs : % temps en posture “rouge”, nombres de répétitions/min, score RULA/REBA moyen.
- Cadre éthique : pas de reconnaissance faciale, angles cadrés sur gestes (pas les personnes), conservation minimale.

6) Signalements de quasi-accidents (near-miss)

Les near-miss sont sous-déclarés car le processus est perçu comme complexe (formulaires longs) et parfois stigmatisant ; résultat : peu de signaux faibles et un apprentissage collectif limité.
On peut dans ce cas déployer un canal de signalement sans friction (QR code / mini-assistant) qui :
- Accepte message libre + photo et structure automatiquement (date, zone, type de risque),
- Propose une catégorisation guidée selon la taxonomie risques,
- Alimente un flux d’actions et un tableau de bord des motifs récurrents.

Bénéfices :hausse du volume et de la qualité des near-miss, détection précoce des risques, amélioration de la culture juste et du retour d’expérience.

À mettre en place:
- Afficher des QR codes aux points clés (atelier, quai, vestiaires, chantier).
- Communiquer une charte de culture juste (pas de blâme, retour systématique).
- Mettre en place un tri hebdo des signalements (utiles / actions / info).
- Publier un feedback mensuel (ce que l’on a appris / les actions engagées).

7) Reporting & conformité accélérés

La consolidation des données est chronophage, car elles sont dispersées entre Excel, e-mails et PDF et hétérogènes d’un site à l’autre ; cette variabilité impose une vigilance constante lors des audits, et peut entraîner un niveau de stess conséquent chez l'auditeur.
Une solution pertinente consite en la mise en place d'un pipeline automatique qui collecte incidents, near-miss, actions, formations, audits ; normalise les libellés (taxonomie risques/zones) et génère :
- Un tableau de bord mensuel (taux fréquence/gravit é, top 5 risques, actions en retard, heatmap zones),
- Des synthèses alignées ISO (chapitres, evidences, traçabilité),
- Des alertes (actions > 30 jours, sites hors seuils).

Bénéfice : gain de temps conséquent, diminution de la charge mentale, traçabilité solide, cohérence inter-sites, meilleure préparation aux audits (dossiers prêts, pièces jointes, historisation).

À mettre en place :
- Définir une taxonomie unique (types d’événements, zones, équipements) et des champs obligatoires.
- Créer 3 modèles : dashboard direction, rapport site, pack audit (preuves).
- Automatiser l’agrégation mensuelle (connecteurs/exports) + contrôles qualité (champs manquants, doublons).

Conclusion

L’IA en prévention ne se résume ni à un “outil miracle” ni à un projet IT lourd. C’est une boîte à outils modulable : vous pouvez démarrer par un cas d’usage modeste (ex. analyse d’incidents, near-miss ou formations adaptatives), puis itérer en fonction des résultats, du terrain et des enjeux de votre site. Rien n’empêche d’aller plus loin : croiser vos données HSE avec la maintenance, relier vos audits fournisseurs, tester la vision sur des postes pilotes, ou encore bâtir des tableaux de bord partagés avec la production et la qualité. L’essentiel est de poser un cadre d’usage clair (finalité, éthique, gouvernance des données), de mesurer l’impact réel (avant/après) et de faire grandir les compétences des équipes.

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Sources et références :                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         
- Normes ISO 45001, ISO 14001 et ISO 9001 (management HSE et qualité)-
- EU-OSHA (European Agency for Safety and Health at Work)
- NIOSH / CDC (National Institute for Occupational Safety and Health – USA)
- HSE UK (Health and Safety Executive – UK)
- Méthodes ergonomiques RULA / REBA
- Lignes directrices éthiques et RGPD (CNIL, EDPB)